André Glucksmann:
The outrage of so many outraged people outrages me. On the scales of world opinion, some Muslim corpses are light as a feather, and others weigh tonnes. Two measures, two weights. The daily terrorist attacks on civilians in Baghdad, killing 50 people or more, are checked off in reports under the heading of miscellaneous, while the bomb that took 28 lives in Qana is denounced as a crime against humanity. Only a few intellectuals like Bernard-Henri Lévy or Magdi Allam, chief editor of the Corriere della Sera, find this surprising. Why do the 200,000 slaughtered Muslims of Darfur not arouse even half a quarter of the fury caused by 200-times fewer dead in Lebanon? Must we deduce that Muslims killed by other Muslims don't count - whether in the eyes of Muslim authorities or viewed through the bad conscience of the west? This conclusion has its weak spots, because if the Russian Army - Christian, and blessed by their popes - razes the capital of Chechnian Muslims (Grosny, with 400,000 residents) killing tens of thousands of children in the process, this doesn't count either. The Security Council does not hold meeting after meeting, and the Organization of Islamic States piously averts its eyes. From that we may conclude that the world is appalled only when a Muslim is killed by Israelis....
Have our sages gone crazy? Do they really believe that sans Israeli-Palestinian conflict nothing bad would have happened, neither the deadly Khomeini Revolution, nor the bloody Baathist dictatorships in Syria and Iraq, nor the decade of Islamic terrorism in Algeria, nor the Taliban in Afghanistan, nor the angry warriors of God the world over? The sad, reverse hypothesis is seldom posed, but it is actually much more likely: Every truce along the Jordan is fleeting, as long as the palaces and streets, the majority of the intelligentsia and the officials of the Muslim world hang on to their anti-western passion. Globalization (which entails the dismantling of economic barriers but more importantly all social and mental barriers) necessarily leads to tough and terrible defensive reactions....
A hypocritical geopolitics, which ordains the Mideast as a basic pillar of the world order, has become the religion of the European Union, the belief of the unbelievers and of the doubters of the west.
In the
originalL'indignation de beaucoup d'indignés m'indigne à mon tour. Pour l'opinion publique mondiale, certains morts musulmans pèsent le poids d'une plume, d'autres des tonnes. Deux poids, deux mesures. Le meurtre terroriste d'une cinquantaine de civils chaque jour à Bagdad est relégué à la rubrique des faits divers, tandis que le bombardement qui tue vingt-huit habitants à Cana est élevé au rang de crime contre l'humanité – seuls quelques rares esprits comme Bernard-Henri Lévy et Magdi Allam, rédacteur en chef du Corriere della Sera, s'en étonnent. Pourquoi les deux cent mille massacrés du Darfour ne suscitent-ils pas le quart de la moitié des réactions horrifiées qu'éveillent les victimes deux cents fois moins nombreuses du Liban ? Lorsque des musulmans tuent d'autres musulmans, faut-il croire que cela ne compte pas, ni pour les autorités coraniques ni pour la mauvaise conscience occidentale ? L'explication est boiteuse, car lorsque l'armée russe, chrétienne et bénie par les popes, rase la capitale des musulmans tchétchènes (Grozny, 400 000 habitants) et tue les enfants par dizaines de milliers, cela ne compte pas davantage. Le Conseil de sécurité ne tient pas alors réunion sur réunion, et l'Organisation des États islamiques détourne pieusement les yeux. Force est de conclure que seul le musulman tué par des Israéliens vaut indignation universelle...
Nos sages sont-ils devenus fous? Théorisent-ils sincèrement et sérieusement que, sans le conflit israélo-palestinien, rien de grave n'aurait eu lieu, ni la révolution massacreuse de Khomeyni, ni les dictatures sanglantes des partis Baas syrien et irakien, ni la décennie du terrorisme islamique en Algérie, ni les talibans en Afghanistan, ni les fous de Dieu essaimant sans foi ni loi ? L'hypothèse triste et inverse, rarement évoquée, est davantage vraisemblable : tout cessez-le-feu autour du Jourdain demeure intrinsèquement volatil tant que les palais, la rue, une bonne partie de l'intelligentsia et les États majors musulmans entretiennent la passion anti-occidentale. La «mondialisation» (le dynamitage planétaire des frontières économiques, mais surtout sociales et mentales) s'accompagne immanquablement de réactions de rejet souvent dures, parfois cruelles....
La géopolitique de mauvaise foi qui sacre le Moyen-Orient pivot de l'ordre mondial est devenue la religion de l'Union européenne, la foi des incroyants et peu croyants d'Occident....
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